mardi 19 novembre 2013
Les gravures d’Abourma
Les gravures sont soit isolées ou en petits groupes,
soit multiples sur de grands panneaux. Dans ce dernier
cas, une profusion de gravures, le plus souvent superposées,
occupe l’espace libre de la roche.
Les gravures les plus anciennes (probablement datées
au plus tard du 3e millénaire av. J.-C.) concernent une
faune sauvage regroupant essentiellement diverses antilopes
(oryx, koudous…), des girafes, ponctuées ou réticulées,
et des autruches dont le dessin forme de véritables
frises comptant jusqu’à onze volatiles placés les uns derrières
les autres. Il apparaît que cette faune sauvage a
perduré fort longtemps. Elle a été souvent chassée par
des hommes armés d’arcs, jusqu’à une période très avancée.
Une partie de cette faune a subsisté jusqu’au début
du siècle dernier. De nos jours, seules quelques antilopes
vivent encore en petits groupes dans la région.
Viennent ensuite les gravures de bovinés dont l’apparition
pourrait se situer aux 3e-2e millénaires av. J.-C. Les
bovins de style Dorra, récemment défini, seraient les premiers
représentés. Ils sont vus de profil tant pour
le corps que pour la tête, les pattes étant généralement
dédoublées à l’avant et à l’arrière, la queue relativement
longue. Il arrive cependant que les traits verticaux des pattes
se rejoignent à la base pour ne former qu’un seul élément.
Le corps du boviné sans bosse dorsale – ce n’est
donc pas un zébu (Bos indicus), dont l’introduction à
Djibouti remonte probablement au 1er millénaire av. J.-C.
– peut être entièrement piqueté. Parfois, seul le pourtour
de l’animal est gravé. Il arrive que la robe soit cloisonnée.
Les cornes sont très longues, aux formes diverses plus ou
moins ouvertes et ondoyantes. Ce boeuf, sans bosse et à
longues cornes, semble devoir être assimilé au Bos taurus
macroceros, appelé aussi Bos africanus, descendant
domestiqué de l’Aurochs. On ne sait s’il fut domestiqué
sur place, ce qui paraît peu probable, ou s’il est arrivé ici,
depuis le Proche-Orient par la vallée du Nil, voire par la
péninsule arabique. Soulignons à ce sujet que des analyses
d’obsidiennes, découvertes sur des sites néolithiques
du sud de l’Arabie et datées du 6e millénaire av. J.-C.,
indiquent comme provenance l’Afrique orientale, selon
M.-L. Inizan et V.-M. Francaviglia (2002). Les contacts
entre les deux côtés de la Mer Rouge paraissent donc
remonter à une haute antiquité.
En dehors de celui de Dorra, plusieurs autres styles
devront être étudiés à Abourma. L’un d’entre eux
concerne des bovinés dont la ligne du dos et celle du ventre
et des pattes forment deux concavités inverses. Les
cornes, situées à l’extrémité d’un large cou sans tête
dégagée, se referment vers l’avant en pinces plus ou
moins arrondies, parfois spiralées. Un style très
comparable a été reconnu dans les monts du Harar, en
Éthiopie, en particulier dans les abris de Goda Roris, dits
aussi Errer Kimiet dans les relevés de Gérard Bailloud, et
au nord jusqu’en Érythrée sur le site d’Edit dans le district
de Enda Dascim, où le cornage est toutefois différent.
Apparaissent enfin les camélidés, parfois associés à
des bovidés à bosse, dont l’ancienneté ne peut remonter
très au-delà de notre ère. Ils se superposent aux autres
gravures quand elles existent sur le même panneau.
Plusieurs compositions méritent que l’on s’y arrête.
Parmi elles, nous soulignerons des scènes d’affrontements
entre deux ou plusieurs hommes armés d’arcs dont
le style graphique n’est pas toujours le même : hommes
filiformes, ou à corps quadrangulaire, voire plus ou moins
arrondis ; arcs à simple ou triple courbure. Ces
différences peuvent marquer des « écoles », des groupes
ou des époques différentes. Le plus souvent, ces
archers sont des chasseurs qui s’attaquent, seuls ou en
nombre, à des animaux sauvages tels que des girafes,
des antilopes ou des autruches.
Une autre scène retiendra notre attention. On y voit un
boviné de style Dorra portant sur le dos un quadrillage,
tissu ou cuir décoré (?). Cet animal arbore deux
longues cornes arquées vers le haut. Il est entouré de personnages
aux bras écartés, se tenant parfois par la main
deux par deux en une sorte de ronde. Un thème semblable
se rencontre au Somaliland dans les abris de Las
Geel, également en Éthiopie dans le Harar à Sourré et
Laga-Oda, ainsi qu’en Érythrée dans l’Akkélé-Guzay.
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